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L'ŒNOLOGIE POUR TOUS : MICROBIOLOGIE DU VIN
LA FERMENTATION ALCOOLIQUE

3) CONDITIONS DE DÉVELOPPEMENT DES LEVURES

Densité et température :

Durant la fermentation, deux mesures journalières sont nécessaires : celle de la densité et celle de la température. En moyenne, 17 g de sucre donnent 1 g d’alcool.  Un bon appareil indique le degré probable d’alcool à partir de la densité.

Un graphique indiquant la densité donne une bonne vision du déroulement de la fermentation et permet de voir venir les ralentissements. Pour les vins rouges, le test est plus fiable après un brassage.

Le brassage est également recommandé pour le contrôle de la température des vins rouges, car chez ces derniers, la température est plus forte sous le chapeau qu’en bas de la cuve, et de toute façon plus forte au centre de la cuve qu’en périphérie où se trouvent le robinet et les capteurs. Il n’en reste pas moins intéressant de pouvoir contrôler la température à son point le plus chaud, sous le milieu du chapeau, car en cas de surchauffe, il convient de procéder à un nouveau brassage, puis éventuellement de réfrigérer.

Idéalement, il vaut mieux assurer un départ de fermentation plus frais (18 à 20° C), plus favorable à la prolifération des levures, et une fin plus chaude (jusqu’à 30° C si l’on veut favoriser l’extraction des constituants du marc).

Durant la fermentation, la production d’une importante mousse limite fortement le remplissage des cuves (jusqu’à 60% seulement dans le cas d’une cuve ouverte).

Une fermentation entièrement spontanée commence souvent par des levures non désirées (apiculées, voire aérobies avec production d’acide acétique et d’acétate d’éthyle, voire de brettanomyces). Un sulfitage léger du moût au sortir du fouloir, suivi d’un ensemencement de S. cerevisiae permet alors d’éviter ces inconvénients.

La transformation du sucre en alcool :

La fermentation connaît trois phases :

1) Pendant 2 à 5 jours : phase de croissance de la population levurienne jusqu’à 108 cellules /ml.

2) Pendant une semaine : population stable

3) Pendant une phase qui peut durer jusqu’à plusieurs semaines, c’est le déclin jusqu’à 105 cellules /ml.

La production d’alcool s’opère principalement durant les deux premières phases.  

 Quand le moût ne contient pas plus de 200 g de sucre par litre, elle est même terminée rapidement, dès la phase 2.

Mais un taux de sucre supérieur entraîne une longue phase 3, durant laquelle les cellules ne se développent plus que sur 5 générations et ne produisent presque plus d’alcool, moins par la rareté des cellules de levure que par l’inhibition de leur activité métabolique par l’alcool. Dans ce cas, c’est la capacité de survie des cellules en milieu alcoolique qui détermine le plus ou moins bon achèvement du métabolisme de l’alcool.

Outre la teneur du moût en sucre, les principales causes d’un ralentissement de la fermentation sont : une température excessive, surtout en phase 1, des carences nutritionnelles (en azote et en vitamines) et des facteurs d’inhibition. C’est en phase 1 que la levure réagit le mieux aux mesures correctives, d’où la nécessité d’anticiper les difficultés.

Le moût d’un vin non liquoreux comprend entre 190 et 255 g/l de sucre (soit entre 11 et 15° C d’alcool après fermentation). Pour les moûts les plus sucrés, il convient donc de prévoir une levure résistante à l’alcool. Mais au-delà de 200 g/l le sucre a lui aussi un effet inhibiteur car il ralentit lui aussi la croissance levurienne et limite sa population (avec une inhibition totale à partir de 600 g/l).

L’azote :

Une alimentation azotée est nécessaire à la vie des cellules, car l’azote agit doublement, d’une part en favorisant la prolifération levurienne, d’autre part en stimulant la transformation du sucre. Cette alimentation est apportée par le moût lui-même, sous forme de cation ammonium (3 à 10% de l’azote total), d’acides aminés (25% à 30%), de polypeptides (25% à 40%) et de protéines (5% à 10%). La teneur du moût en azote soluble (entre 0,1 et 1 g/l) dépend du cépage lui-même et des conditions de culture : l’enherbement et le rationnement en eau la limitent (jusqu’à x3), la fertilisation azotée et la surmaturité la favorisent. En blanc, un pressurage lent et une macération pelliculaire la favorisent, grâce à une plus grande extraction.  

S cerevisiae peut synthétiser elle-même les acides aminés, mais sa croissance est nettement favorisée si on les lui fournit. En revanche, elle est insensible aux polypeptides et aux protéines car elle n’a pas le pouvoir de les dégrader.

En cas de carence, l’apport idéal consiste en un mélange de sel d’ammonium et d’acides aminés facilement assimilables. Le moment idéal pour cet apport est lorsque la fermentation est engagée à 40% de son processus.

Un surdosage de l’azote a toutefois un effet néfaste sur le rythme de la fermentation : risque pour la stabilité bactériologique du vin dû à un taux d’azote résiduel non assimilé, modification des arômes des vins blancs due à une moindre production d’esters (par non dégradation des acides aminés) et formation de carbamate d’éthyle, qui est cancérigène. Mais inversement, une carence en azote entraîne une surproduction de composés soufrés et d’alcools supérieurs indésirables ainsi qu’une sous-production d’esters utiles à l’expression aromatique du vin.

Dans les moûts aux taux de sucre inférieur à 200 mg/l, un apport initial d’azote accélère le temps de fermentation par la simple augmentation de la biomasse. Au-delà de 200 mg/l de sucre, il faut stimuler à la fois la croissance levurienne en début de fermentation, puis la transformation du sucre en éthanol durant la phase stationnaire, afin de maintenir un niveau d’activité des levures jusqu’au terme de la fermentation. Ce besoin en azote varie du simple au double selon la souche de la levure. Dans tous les cas, un dosage de l’azote assimilable dans les cuves avant la fermentation permet d’optimiser les interventions.

L’assimilation de l’azote est favorisée par la chaleur et, surtout, par la présence d’oxygène (car l’azote seule agit plus sur la vitesse de fermentation que sur le taux final de sucre résiduel). Pour cette raison, pour aider une fermentation difficile tout en évitant le risque d’azote résiduel, il est préférable de coupler l’apport d’azote avec une aération. Le mieux est d’apporter une aération dès la phase 1 pour aider à la croissance levurienne et, selon le taux de sucre et d’azote du moût, d’opérer le (ou les) apport(s) d’azote durant la première moitié du processus fermentaire.

Les levures ont aussi des besoins en éléments minéraux, mais ceux-ci sont tous satisfaits par le moût du raisin.

Les levures exogènes (LSA) :

Malgré la présence de levures indigènes, et bien qu’un trop fort levurage puisse entraîner des déformations organoleptiques, les LSA restent très souvent nécessaires, car elles permettent d’optimiser la fermentation en éliminant d’emblée les levures apicules indigènes et en permettant, selon les souches, d’obtenir une plus ou moins grande productivité dans la transformation du sucre en alcool.

De plus, sans LSA, la teneur de 106 cellules/ml nécessaire au démarrage de la fermentation est rarement atteinte par les premières cuves. Par la suite, on peut se contenter d’amorcer la fermentation d’une nouvelle cuve par l’ajout de 2% à 5% de moût en fermentation provenant d’une autre cuve.  

Le premier critère de sélection d’une LSA est sa résistance à la température ainsi qu’aux sucres et à l’alcool. Les LSA peuvent aussi aider à mettre en valeur certains précurseurs d’arômes spécifiques présents dans le raisin, en particulier pour les vins blancs (muscat, sauvignon).

Pour éviter un antagonisme inhibiteur entre LSA et levures indigènes, il vaut souvent mieux désactiver ces dernières par une température basse, un sulfitage préliminaire, et une introduction de la LSA dès le remplissage de la cuve, ce qui favorise son implantation.

L’éthanol paralyse la levure en ralentissant les transports à travers la membrane et donc l’assimilation azotée.  De plus, la production d’éthanol s’accompagne de la production d’autres substances inhibitrices de la fermentation, tels certains acides gras à courte chaîne. En revanche, la température favorise ces transports à travers la membrane.  

Les écorces de levure :

Elles permettent de pallier les facteurs d’inhibition évoqués plus haut. En effet, non seulement elles inhibent ces inhibiteurs mais elles apportent des facteurs de croissance et de survie particulièrement utiles en fin de fermentation (stérols et acides gras à longue chaîne insaturés). Par rapport aux sels d’ammonium qui n’agissent pas sur les fins de fermentations difficiles, les écorces favorisent la survie et l’activité des dernières levures. Le moment idéal pour leur apport est le 5ème jour de fermentation, une fois terminée la phase de croissance cellulaire.

Elles permettent également aux levures de mieux résister aux hautes températures, mais elles restent inefficaces en cas d’arrêt de la fermentation.

Ces écorces ne sont toutefois pas sans effet sur le goût du vin et doivent être soigneusement lavées. Comme tous les autres apports (température, oxygène, azote), elles ont une incidence sur le taux de produits secondaires (alcools supérieurs, esters, acides gras), surtout perceptibles dans le vin blanc.  

Autres inhibiteurs connus : les restes de fongicides soufrés ou chlorés, le CO2 s’il ne se dégage pas librement sans générer de pression, le botrytis, un développement prématuré de bactéries lactiques, et de brusques changements de température durant la fermentation.

L’incidence de la variation de température :

La chaleur accélère la fermentation, car l’intensité fermentaire double de 10° C en 10° C (soit : chaque degré permet de transformer 10% de sucre en plus). Elle devient maximale à 35° C puis décline à partir de 40° C, car à haute température, le rendement en alcool est inférieur.

En ce qui concerne les produits secondaires, c’est à 20° C que leur formation est maximale, et elle décroît avec des températures supérieures. D’où la nécessité de températures basses pour les qualités organoleptiques des vins blancs.

Autres effets de la température : pour faire fermenter un moût à 200 g/l de sucre, il faut plusieurs semaines à 10° C, 15 jours à 20° C et 3 jours à 30° C. Mais plus la température est élevée, moins la transformation du sucre en alcool est complète en fin de fermentation.  De même, une température supérieure à 25° C en phase 1 affecte la viabilité des cellules, d’où risque accru d’arrêt de fermentation. Donc : plus la fermentation est lente, plus elle a de chance de parvenir à son terme.

Les levures sont plus sensibles à un excès de température au début de leur développement et résistent mieux en fin de fermentation. Idéalement, pour le vin rouge, il faudrait commencer la fermentation avec une température maximale de 18° C en la laissant lentement monter jusqu’à 32° C, voire plus pour une plus ample extraction (certaines souches supportent jusqu’à plus de 35° C).

L’oxygène :

L’oxygénation est indispensable, mais de préférence par brassage plutôt que par cuve ouverte à cause des risques de développement bactérien. Durant cette phase, la grande capacité d’absorption de l’oxygène par les levures en fermentation écarte le danger d’une oxydation des moûts (seul le moût non fermenté et le vin blanc séparé de ses lies après fermentation y sont exposés). Le fort dégagement de CO2 contribue également à cet effet protecteur contre le danger d’oxydation.

L’oxygène augmente la consommation de produits azotés par les cellules et la production de stérols et d’acide gras insaturés, qui ont pour effet d’augmenter la perméabilité des membranes, donc la production d’alcool.

C’est en phase 1, au 2ème jour après le départ en fermentation, que l’apport d’oxygène est le plus efficace, par aide à la croissance de la population levurienne. En fin de fermentation, au contraire, la forte quantité d’alcool inhibe cet effet de l’oxygène.

Pour les blancs, la clarification du moût est très qualitative (plus d’arômes, et moins d’odeurs lourdes et végétales dues aux bourbes), et rend la fermentation plus longue, ce qui est aussi un facteur qualitatif pour le vin blanc. Mais si un vin pas assez clarifié expose à des risques de déviations olfactives, un vin trop clarifié expose en revanche à des difficultés de fermentation.

Le risque d’arrêt de fermentation :

L’arrêt de la fermentation est rattrapable s’il reste au moins 15 g/l de sucre avec moins de 12° C d’alcool. En dessous de 10 mg/l de sucre, il est quasi impossible de la relancer.

Rappel des facteurs favorisant les arrêts de fermentation : l’excès du sucre du moût, l’excès de température et les chocs thermiques surtout en début de fermentation, le manque d’azote ou d’oxygène, des restes de produits antifongiques dans le moût, la pourriture grise, une trop forte clarification en blanc.

Effet du pH : un pH bas favorise la fermentation et aide le SO2 à combattre les bactéries, mais favorise la production d’acidité volatile. A l’inverse, un pH élevé rend beaucoup plus problématique un arrêt de fermentation.

Un arrêt de fermentation accroît les risques de prolifération bactérienne, surtout si le sulfitage initial a été faible. En présence de sucres résiduels, les bactéries lactiques transforment en effet ce sucre en acide acétique. Mais elles ne le font qu’après avoir terminé la transformation de l’acide malique en acide lactique. C’est donc après et non avant la malolactique qu’il convient d’inhiber ces bactéries.

Après une malolactique, la relance de fermentation alcoolique est quasiment impossible à cause du fort antagonisme entre levures et bactéries. D’où la nécessité du sulfitage initial afin de ne permettre la prolifération bactérienne qu’après la fin de l’activité des levures.

En cas d’arrêt de fermentation de vin rouge, il faut écouler pour isoler le jus du marc même si le temps idéal de macération n’est pas terminé, afin d’éliminer une partie des bactéries de contamination, refroidir et sulfiter. Si cela ne suffit pas, il faut relancer la fermentation par adjonction d’un levain –et/ou d’un autre vin qui vient de terminer sa fermentation, ou encore de ses bourbes- à des doses croissantes, ce qui en fait une opération très longue, à conduire à une température entre 20° C et 25° C seulement (meilleur compromis entre l’inhibition qu’engendre le froid et l’augmentation du pouvoir antiseptique de l’éthanol qu’entraîne la chaleur). L’ajout d’écorces de levures aide également à cette reprise. En revanche, l’ajout d’un moût en fermentation n’est pas conseillé car ce moût apporte aussi son sucre, qui produit l’effet inverse.

En blanc, l’ajout de charbon végétal aide à supprimer les acides gras inhibiteurs de la fermentation.

 

 

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