BCBG, Bacchus Club des Bons Goûteurs :
Bibliothèque

 

Autres articles : article précédent Table des matières article suivant

L'ŒNOLOGIE POUR TOUS : LA VINIFICATION
LA VINIFICATION EN ROUGE

A la différence de l'immense majorité des vins blancs, un vin rouge est un vin de macération. La couleur rouge, ainsi que la plupart des autres caractéristiques d'un vin rouge, sont en effet obtenues par le passage dans le jus des substances colorantes et polyphénoliques contenues par les parties solides. C'est la raison pour laquelle, avec la plupart des cépages rouges, on peut obtenir un vin blanc en supprimant la macération par un pressurage immédiat des grappes. C'est également en poussant plus ou moins ce processus de macération que l'on obtient soit des vins légers de type primeurs, soit de puissants et généreux vins de garde.

La deuxième caractéristique de la vinification en rouge est la pratique généralisée de la fermentation malolactique après la phase de la fermentation alcoolique.

Les étapes classiques de la vinification traditionnelle en rouge sont les suivantes :

- Traitements mécaniques de la vendange : égrappage, foulage, mise en cuve.

- Cuvaison, avec fermentation alcoolique, macération postfermentaire, puis écoulage. - Pressurage puis élevage, avec fermentation malolactique.

Importance du degré de maturité de la pellicule

Chez les vins rouges, c'est avant tout la qualité de la pellicule qui fait la typicité des cépages, des terroirs et des millésimes. La pellicule a besoin de beaucoup de soleil pour développer ses polyphénols, et tout particulièrement ses anthocyanes dont la production est fortement consommatrice d'énergie (d'où la prédominance des vins blancs ou des vins rouges faiblement colorés dans les terroirs septentrionaux).

Sa maturité est plus tardive que la maturité alcoolique. Ce gap entre les deux maturités est plus important encore en cas de forts rendements : d'où le goût de poivron vert du cabernet sauvignon pas assez mûr, dû à la présence de méthoxypyrazines et, inversement, la meilleure qualité des vendanges bénéficiant d'un plus faible rendement.

Il est important de ne remplir une cuve qu'avec une vendange homogène (même cépage, même maturité et même état sanitaire, même âge des vignes et même rendement) en éliminant même les grappes présentant un retard de maturation, et de n'assembler les vins qu'après la stabilisation définitive post malolactique de chaque cuve.

La réception de la vendange

Pour éviter toute oxydation, les raisins doivent idéalement arriver entiers aux chais. Pour cette raison, les vendanges manuelles sont préférables. Il est recommandé de transporter les raisins dans de petits récipients qui évitent de les écraser, en limitant les transvasements d'un récipient à l'autre. A l'arrivée, le passage sur une table de tri permet d'éliminer les débris végétaux ainsi que les raisins abimés.

L’éraflage

L'éraflage réduit de 30% le volume de cuverie nécessaire, ainsi que le volume de marc à presser. Mais par ailleurs, la rafle favorise la fermentation (par aération et absorption de chaleur) et facilite l'écoulage après pressurage. Comme elle contient du potassium et de l'eau mais pas de sucre ni d'acide, elle abaisse le taux d'acidité et d'alcool du vin. Dans le cas de vendanges atteintes de pourriture, elle inhibe l'action de la laccase, évitant ainsi la casse oxydasique. Au départ, elle diminue l'intensité de la couleur en fixant sur elle une partie des anthocyanes, mais elle la fixe plus durablement durant le vieillissement en favorisant la formation de composés colorés anthocyanes/tanins plus stables.

Son principal effet est toutefois d'apporter un surcroît de plus de 20% de tanins. Ces tanins peuvent améliorer la structure d'un vin jeune insuffisamment tannique, mais ils sont généralement de mauvaise qualité (goûts végétaux et herbacés astringents, défauts que l'on ne peut atténuer qu'avec une plus grande maturité de la grappe). C'est la raison pour laquelle l'éraflage s'impose dans les grands vins rouges. Le plus néfaste est moins la rafle elle-même que des bouts de rafle dilacérés, qui libèrent alors leur suc vacuolaire végétal extrêmement astringent.

Le foulage

Le foulage facilite la macération en augmentant la dissolution des polyphénols, il facilite également la fermentation par une mise en contact immédiate du jus avec les levures et limite par-là le taux de sucre résiduel des vins de presse. En cas de sulfitage et/ou de levurage, il favorise également l'homogénéisation.

Toutefois un foulage trop brutal qui dilacère les parties solides favorise aussi l'apparition d'astringences herbacées. Chez les vins de qualité, un foulage plus léger qui éclate seulement les grains sans les écraser évite cette dilacération des parties solides responsable du goût herbacé. Pour accroître l'extraction des polyphénols, on privilégie alors plutôt la qualité de la macération : durée plus longue de cuvaison, fréquence des brassages, température finale plus élevée, etc.). Même en vinification traditionnelle, ce souci de qualité peut même aller jusqu'à ne pas fouler du tout les raisins.

Dans le cas de vendanges atteintes partiellement de pourriture grise, la dilacération des tissus végétaux entraîne une libération de glucane qui rend le vin difficile à clarifier.

Les fouloirs égrappoirs à battoirs qui écrasent les baies durant la phase d'égrappage sont moins qualitatifs que les fouloirs à rouleaux car pour assurer le débit jugé souhaitable ils ont tendance à tourner trop vite et à trop malmener les baies.

Dans le même souci d'éviter la dilacération des tissus, le transport de la vendange foulée à la cuve doit être le moins traumatisant possible. Idéalement par simple gravité, sinon par une pompe sans brutalité, sur un trajet le plus court possible et avec le moins de coudes possible dans les tuyaux.

La cuvaison

L'augmentation du volume du moût durant la fermentation impose de ne remplir les cuves qu'à 80%, à moins d'utiliser des procédés antimousses, car le volume de CO2 dégagé durant la fermentation est très important (50 l de CO2 par litre de moût).

Les interventions éventuelles lors de la mise en cuve :

Le transfert du fouloir à la cuve est l'occasion d'ajouter le SO2, mais aussi les levures exogènes (LSA), les correcteurs d'acidité, et les composés azotés (entre 10 et 30 g/hl de sulfate d'ammonium) ou enzymatiques. On peut aussi ajouter une enzyme pectolyte pour favoriser l'extraction des composés phénoliques de la pellicule : on obtient ainsi des vins plus riches en tanins moins amers. En revanche, l'utilisation de glycosidases libérant les terpènes est réservée aux vins blancs (en particulier au muscat) afin de ne pas développer chez les vins rouges des déviations aromatiques.

La correction d'acidité peut aussi se faire à un autre moment, tout comme la correction azotée, qui est encore plus efficace lorsque la fermentation vient juste de commencer. Quant à la chaptalisation, elle se pratique préférentiellement après le début de la fermentation afin de ne pas gêner la phase initiale de développement des levures.

Pour les vins rouges, le type de LSA intervient peu sur la typicité du vin. On privilégie donc plutôt leur résistance à la chaleur et à l'alcool afin d'assurer la fermentation la plus complète possible.

Une saignée permet une concentration de 5 à 20% d'un vin naturellement trop dilué, mais avant d'utiliser cette technique qui peut ruiner l'équilibre du vin, mieux vaut rechercher des solutions en amont dans la maîtrise des rendements.

Pendant la cuvaison, la multiplication des levures est beaucoup plus intense dans le chapeau de marc que dans le fond de cuve, d'où la nécessité des brassages.

Les divers dispositifs de cuvaison :

La traditionnelle cuve ouverte à marc flottant présente des avantages, car le contact permanent avec l'oxygène aide à la fermentation et le refroidissement est facilité, mais elle présente aussi des inconvénients : perte d'au moins 0,5 g/l d'alcool par évaporation, vins de presse trop riches en acidité volatile et, surtout, risque de prolifération de bactéries aérobies, à combattre par de fréquents pigeages pour noyer les germes aérobies.

Pour pallier ce dernier inconvénient, on peut maintenir le chapeau en immersion permanente par une claie (technique du « bombage »), mais le marc se densifie alors en se tassant contre la claie, ce qui limite les échanges avec le moût et nécessite de fréquents remontages vigoureux afin de déstructurer régulièrement le chapeau.

Mieux vaut donc utiliser une cuve qui peut se fermer en fin de fermentation, lorsque le dégagement de CO2 devient trop faible pour isoler le chapeau de l'air ambiant.

Mais plus la cuve est fermée, plus elle favorise l'échauffement du moût et les risques de fermentation difficile par manque d'oxygène indispensable à l'activité levurienne. On pallie donc ces deux inconvénients par un système de réfrigération et par des remontages fréquents à l'air libre. En revanche, une cuve fermée donne de bons vins de presse avec peu d'acidité volatile et facilite la malolactique.

Une fois passées leurs deux ou trois premières années d'utilisation, les cuves en bois ont peu d'avantages et beaucoup d'inconvénients (étanchéité médiocre, refroidissement et entretien difficile, prolifération bactérienne post fermentaire).

Les cuves en béton doivent être enduites d'un revêtement inerte qui nécessite un entretien permanent. Le béton est moins isolant que le bois mais demande quand même à être réfrigéré. Les cuves inox sont celles qui présentent le plus d'avantages. Leur entretien est facile et l'échange thermique qu'elles permettent facilite le refroidissement. Mais inversement, en fin de fermentation, le refroidissement rapide du moût tend à inhiber les bénéfices d'une prolongation de la macération car, en raison de leur faible inertie thermique, l'homogénéité de la température en phase post fermentaire est beaucoup plus difficile à obtenir qu'avec des cuves en ciment ou en bois. Un circuit de réchauffement est alors recommandé, de préférence différent de celui du refroidissement. Pour cette même raison, les cuves inox non thermorégulées sont donc également moins appropriées à la conservation des vins.

La taille des cuves est également importante : de petites cuves (entre 50 et 150 hl) se prêtent mieux à la vinification de qualité : meilleure sélection des diverses vendanges, meilleur contrôle des températures, raccourcissement du temps de remplissage (le remplissage doit en effet être terminé avant le départ en fermentation, raison pour laquelle on essaie d'éviter des temps de remplissage supérieurs à 12 h) et meilleure extraction du marc (grâce à un meilleur rapport entre la surface du marc et le volume du moût). La forme de la cuve est en effet importante car pour favoriser les échanges avec le marc, la hauteur ne doit pas être de beaucoup supérieure au diamètre.

La cuve idéale comprend deux robinets d'évacuation à deux hauteurs différentes, un robinet de vidange au point le plus bas de la cuve, un robinet supplémentaire « de dégustateur » un peu plus haut que les autres, deux portes à deux hauteurs différentes, un niveau en verre pour apprécier la hauteur du remplissage, un thermomètre à lecteur directe, et une fermeture étanche avec bonde à eau dans la partie supérieure. Elle peut être utilement complétée par un automatisme comprenant la programmation de la température, les remontages avec arrosage du chapeau, et le nettoyage de la cuve. Un excès de température exige d'abord un remontage, puis un refroidissement si le remontage n'a pas suffi.

L'aération par un cuvon intermédiaire lors d'un remontage peut être utilement remplacée par un système de micro oxygénation permettant de mieux doser l'apport d'oxygène.

Une fréquence trop importante de remontages peut conduire à une trop grande dureté voire amertume des vins.

La conduite de la fermentation alcoolique

Incidence des conditions ambiantes :

En région ou année froides, la maturation tardive souvent incomplète entraine des acidités élevées (donc des moûts mieux protégés contre les attaques bactériennes), mais la température fraîche de la vendange retarde le départ en fermentation (départ en fermentation en 12 h à 25° C, mais en 6 jours à 15° C, et quasiment impossible en dessous de 10° C). Or une température restant trop longtemps trop basse peut entraîner une fermentation incomplète et gêne les rotations en immobilisant très longtemps la cuve. Il est alors recommandé de porter la température à 20° C pour lancer la fermentation. En région ou année chaude, la vendange est précoce, riche en sucres ce qui gênera sa fermentation complète, et peu acide ce qui suppose des mesures appropriées pour éviter le risque bactérien (sulfitage avec ajout éventuel d'acide tartrique). Le risque de surchauffe et d'arrêt de fermentation est réel, et la maîtrise de la température durant tout le processus fermentaire devient essentielle.

En début de fermentation, il ne faut pas dépasser un plafond de 20° C, et si la température dépasse 30° C en cours de fermentation, un arrêt est à craindre. Avec un moût riche en sucre et difficile à faire fermenter, la température doit être maintenue de manière constante entre 25 et 28° C. Dans le cas de vins de garde exigeant une forte extraction phénolique, on peut prolonger la phase fermentaire par une phase post fermentaire durant laquelle la température peut être élevée jusqu'à dépasser 30° C, alors qu'avec les vins de type primeur dont on veut respecter le caractère fruité, on évitera de dépasser le plafond de 25° C.

Un écoulage précoce permet de limiter les risques bactériens liés au marc. La fermentation se termine alors en l'absence du marc, comme chez un blanc ou un rosé.

En région ou année chaude, les moyens les plus efficaces pour favoriser la fermentation sont : un levurage, la maîtrise de la température, l'aération des levures en phase de croissance par remontage ou micro oxygénation, et l'addition d'azote et d'écorce de levures.

L'aération du moût par remontage :

Le remontage avec aération est surtout important le 2ème jour, afin d'améliorer la croissance et la survie des levures. Passé le 6ème jour, l'aération qu'il entraîne reste sans effet sur la population de levures et ne réduit donc pas le risque d'une fermentation incomplète, car la présence d'éthanol empêche l'assimilation azotée (l'apport d'azote et d'oxygène devient alors inopérant).

En relançant la fermentation, le remontage simple augmente aussi la température de la cuve, il homogénéise la cuve (sa température et sa population levurienne) et il favorise l'extraction phénolique.

L'aération lors du remontage peut être amplifiée par divers procédés (hauteur de la chute dans le cuvon, ruissellement du moût le long d'une plaque, robinet produisant une émulsion, etc.). Mais dans tous les cas, il est quasiment impossible d'évaluer la quantité d'oxygène apportée par ce moyen.

En vinification en blanc, le risque d'oxydation lié au remontage en limite la pratique, alors qu'une aération plus importante est sans risque sur les vins rouges sains car les tanins protègent le moût de l'oxydation.

L'extraction du marc ne se produit pas par lessivage du marc, mais par le remplacement du moût saturé qui l'imprègne par le moût prélevé dans le fond de la cuve. Comme le marc est aux 2/3 immergé dans le moût et surnage d'un tiers hors du liquide, il importe à la fois de brasser le liquide pour l'homogénéiser et de mettre la totalité du marc en contact avec le moût. Par rapport à un simple remontage, l'opération de délestage permet donc à la fois de presser le chapeau sous son propre poids et de le remanier par l'énergie du remplissage après vidage. Le remontage est en effet rarement assez homogène pour permettre un échange complet du moût avec toutes les zones du chapeau.

Pour une humidification plus régulière du chapeau, on a intérêt à multiplier les remontages partiels d'un tiers de cuve plutôt que de pratiquer des remontages complets plus espacés.

Exemple de programme idéal de remontages :

Dès le remplissage : un remontage d'homogénéisation sans aération (meilleur mélange des adjuvants : LSA, SO2, etc.)

Dès le départ en fermentation : un ou plusieurs remontages avec aération pour les levures.

Pendant la fermentation : un remontage tous les jours ou tous les deux jours pour favoriser l'extraction phénolique du marc. Après la fermentation : plus de remontages (pour éviter l'oxydation), sauf si la cuve n'est pas pleine (pour noyer les germes aérobies).

Le contrôle du suivi et de l'achèvement de la fermentation :

Le contrôle de la cinétique fermentaire se fait par la mesure de la masse volumique. Une fermentation qui ralentit est toujours mauvais signe (causes possibles : teneur en sucres, température trop haute ou trop basse, mauvaise inoculation, antagonisme entre plusieurs souches de levures avec effet killer croisé, démarrage anticipé de la malolactique, etc.).

En cas de fermentation difficile ou d'un sulfitage initial insuffisant, la fermentation malolactique peut se déclencher avant même l'achèvement de la fermentation alcoolique. En raison de l'antagonisme entre levures et bactéries, le contrôle de l'acide malique renseigne sur le rôle éventuel d'une malolactique précoce dans le ralentissement de la fermentation alcoolique.

Dans ce dernier cas, le contrôle de l'acidité volatile est nécessaire. L'analyse de l'acide lactique permet d'identifier l'origine d'un excès d'acidité volatile : avec une température initiale supérieure à 28° C, certaines levures peuvent produire un peu d'acide lactique, mais des teneurs plus élevées indiquent l'intervention de bactéries lactiques dans cette production d'acidité volatile.

Le contrôle du taux de sucres résiduels est le seul qui permette de vérifier la fin de la fermentation. En effet, en dessous de 1,000, le suivi de la masse volumique est insuffisant pour renseigner sur l'évolution de la fermentation, car en fin de processus fermentaire la densité peut varier entre 0,991 et 0,996 en fonction du taux alcoolique. Cette mesure du taux de sucres s'opère sur la propriété réductrice de tous les sucres, bien que seuls le glucose et le fructose soient fermentescibles. Le plafond généralement conseillé de 0,2g/l de sucres réducteurs correspond ainsi à un taux inférieur en sucres fermentescibles. Ce plafond est en effet important pour éviter les méfaits des levures de contamination type Brettanomyces durant l'élevage en barrique.

La conduite de la macération

Le rôle de la macération :

Durant la macération, toutes les parties du raisin n'apportent pas la même qualité de polyphénols (herbacés pour la rafle, rugueux pour les pépins, souples et fluides mais incomplets pour la pellicule). C'est la combinaison de l'apport des pépins (à condition qu'ils soient bien mûrs) et de la pellicule qui donne les vins les plus équilibrés. Mais dans un même organe, par exemple la pellicule, il existe à la fois des composés phénoliques favorables à la qualité et d'autres moins favorables : comme les premiers sont aussi les premiers à être extraits (on le constate aisément en mâchant longuement des pellicules), la maîtrise de la macération est donc un facteur important dans la qualité d'un vin. Tout l'art du vigneron consiste à extraire exclusivement les composés phénoliques favorables à la qualité, tout en le faisant le plus complètement possible.

Les éléments nuisibles sont d'autant plus présents que la qualité du raisin est médiocre, et inversement. Les longues cuvaisons propres aux grands vins sont donc réservées aux raisins d'une extrême qualité, car dans le cas contraire elles apporteraient au vin plus de défauts que de qualités. Pour produire un bon vin rouge léger, frais et fruité, qui s'obtient au terme d'une macération courte, la qualité du raisin n'est pas limitante, alors qu'une macération plus poussée de ce même raisin produirait un vin lourd et grossier.

Seuls 20 à 30% des composés phénoliques présents dans le raisin se retrouvent dans le vin. L'extractibilité de ces composés durant la macération dépend du degré de maturité des différentes parties du raisin, et le résultat final dépend d'un grand nombre de facteurs. Par exemple, alors qu'un foulage trop brutal entraîne l'apparition de goûts herbacés, le passage du moût durant les remontages favorise l'extraction de tanins souples.

Cette extraction est favorisée par des enzymes présentes dans le raisin et agissant par dégradation des parois cellulaires. L'élévation de la température et la production d'éthanol durant la fermentation sont aussi des facteurs favorisant naturellement l'extraction des polyphénols. Mais ce phénomène peut être encore amplifié par l'utilisation d'enzymes industrielles (pectinases, cellulases, hémicellulases, protéases, etc.) qui augmentent l'extraction des tanins liés aux polysaccarides des parois et, par-là, le caractère « charnu » d'un vin. D'autres effets peuvent être également obtenus selon la composition de ces préparations.

Les différents types de macération :

La macération commence dès l'instant où le raisin est mis en cuve et tant que le jus n'est pas séparé de ses parties solides. Elle comprend donc une phase préfermentaire, fermentaire et postfermentaire.

Une macération préfermentaire à chaud facilite l'extraction des composants de cépages peu extractibles, en particulier dans des climats froids.

Une macération préfermentaire à froid, éventuellement accompagnée d'un levurage différé, vise à augmenter la richesse en arômes primaires : si on descend brutalement la température à 5° C pendant 5 à 15 jours (par exemple par injection de CO2 liquide ou de neige carbonique) on obtient en effet un choc thermique qui favorise l'éclatement des cellules et donc l'extraction. Là encore, ce procédé convient plus particulièrement à des raisins dont les polyphénols sont plus difficiles à extraire (ex : le pinot en Bourgogne). La réfrigération peut s'accompagner d'un sulfitage initial plus important qui contribue également à déstructurer les parois, mais son effet asséchant en bouche rend ce surdosage de SO2 peu recommandable. Pour les plus grands vins rouges, une macération postfermentaire, le plus souvent à chaud (on maintient une température entre 30 et 35° C), permet d'augmenter l'extraction.

Parmi toutes les techniques utilisées pour augmenter artificiellement l'extraction, c'est l'emploi d'enzymes industrielles et l'utilisation de copeaux de chêne durant la macération qui semblent donner les meilleurs résultats sur le plan organoleptique. Il faut toutefois noter que tous les cépages ne réagissent pas de manière identique à chacun de ces procédés d'aide à l'extraction.

L'influence du temps de macération :

L'ampleur de l'extraction n'est pas proportionnelle au temps de macération. Par exemple, l'intensité colorante augmente pendant 10 jours puis décroît ensuite. Et l'augmentation des composés phénoliques totaux est très rapide pendant 15 jours puis se ralentit par la suite. De plus, ce ne sont pas les mêmes tanins qui sont extraits en début et en fin de macération : ce sont d'abord principalement les anthocyanes qui sont extraites, puis, grâce à l'action de l'éthanol, majoritairement les tanins souples des pellicules (ils sont d'autant plus souples qu'ils sont correctement mûrs), et en dernier lieu les tanins des pépins, une fois dissoute la couche lipidique qui les protège.

En cas de vieillissement, les vins de longue macération restent plus colorés que les autres vins grâce à l'action fixatrice de leurs tanins sur la couleur. Il découle de ces observations qu'entre le 8ème et le 10 ème jour de macération, le vin a sa couleur maximale avec un taux de tanins réduit qui lui permet de conserver des sensations fruitées propres aux vins de consommation rapide.

L'influence du brassage :

Le brassage a une importance considérable dans l'extraction, car la dissolution se produit à l'intérieur du marc. Ainsi, le liquide qui l'imprègne tend à se saturer et les échanges à s'arrêter. L'extraction est donc conditionnée par le renouvellement régulier du jus qui imprègne le marc. Un renouvellement régulier réduit également l'écart entre les teneurs du vin de goutte et du vin de presse.

La douceur du remontage conditionne la douceur des tanins extraits : gras et moelleux avec des remontages doux, plus amers et végétaux en cas de remontages brutaux affectant l'intégrité des tissus du marc.

On peut se contenter des tanins des pellicules pour produire des vins primeurs. Mais pour un vin de garde, il importe de prendre le temps d'extraire aussi les tanins des pépins, car ceux-ci ne se délivrent qu'en fin de macération. Pour obtenir de tels vins, il importe donc continuer à pratiquer des remontages même en fin de macération.

Le pigeage est une forme très efficace de brassage qui augmente l'extraction des tanins des pépins. Il est adapté aux cépages peu extractibles comme le pinot, mais pour les autres cépages, comme le cabernet sauvignon, un excès de pigeage peut aboutir à augmenter la rusticité du vin obtenu.

L'influence de la température :

L'extraction est également favorisée par la température maximale atteinte en cours de cuvaison, mais aussi par la température moyenne durant tout le temps de cuvaison. Elle favorise l'extraction de mannoprotéines de levure qui participent au gras du vin.

Une température de 30° C est nécessaire à l'extraction de la structure tannique des vins de garde, et 35° C est encore plus efficace mais seulement en phase de macération postfermentaire (afin de ne pas compromettre par trop de chaleur l'activité des levures arrivées en phase finale de fermentation).

Les circuits de régulation des cuves en inox permettent d'empêcher la baisse de la température en fin de fermentation en maintenant les cuves à 30° C, voire 35 ° C, durant quelques jours après la fin de la phase fermentaire, ce qui les rapproche des conditions de vinification en cuves de bois.

La technique de la « macération finale à chaud » permet ainsi de dissocier les contraintes thermiques liées à la fermentation (idéalement : une progression de 20° C à 25° C durant la phase fermentaire) et celles liées à la macération (idéale à 35 voire 40° C pendant quelques jours durant la phase postfermentaire).

Il n'y a aucune déviation gustative liée au chauffage et, sous réserve que tout le sucre ait été fermenté, il n'y a pas de risque non plus d'un accident bactérien. En revanche, l'indice de polyphénols totaux et la couleur sont fortement augmentés. Cette technique peut améliorer significativement la qualité d'un vin trop dilué, mais appliquée à un vin naturellement riche elle doit être pratiquée avec tact sans dépasser le seuil des 30 ° C, afin d'éviter que cette richesse supplémentaire ne soit pas obtenue aux dépens de la finesse gustative.

L'influence du SO2 et de l'alcool :

On a vu qu'en phase préfermentaire, le SO2 favorise l'extraction des pigments, mais cette action s'exerce surtout dans le cas de raisins rouges peu extractibles (à cause soit de la nature du cépage soit d'une maturité insuffisante) et de rosés (qui restent très brièvement en contact avec le marc). C'est pour cette même raison que cette action extractive du SO2 peut avoir des effets très négatifs en vinification en blanc.

L'éthanol a lui aussi une action déstructurante sur les tissus végétaux qui favorise l'extraction des constituants du marc.

L'influence des procédés mécaniques :

Plus un raisin est de qualité, plus il a à pâtir d'une forte trituration de ses parties solides, et donc plus le type de brassage pratiqué doit être doux. Le rebêchage mécanique du marc à l'aide d'une griffe est donc seulement envisageable pour des cépages peu extractibles comme le pinot, mais sur les autres il amène tous les inconvénients d'une dilacération des tissus du marc (goût végétal, astringence). L'inconvénient est le même pour les cuves cylindriques horizontales rotatives avec rebêchage automatique du marc. Les techniques de flash détente et de champs électriques pulsés ne sont pas non plus qualitatives et n'ont pour intérêt que le raccourcissement du temps de vinification qu'elles permettent.

La maîtrise de l’extraction des polyphénols

Qualité de la vendange :

La concentration des polyphénols dans le raisin dépend de plusieurs facteurs : climat suffisamment chaud (car leur synthèse est exigeante en besoins caloriques), vignes suffisamment âgées, vendange assez mûre, et rendement maîtrisé.

Des conditions climatiques favorables permettent des millésimes à la fois plus abondants et de meilleure qualité. Mais tous paramètres égaux par ailleurs, les pratiques qui augmentent la vigueur de la vigne (fertilisation, taille, etc.) retardent la maturation en général, et plus particulièrement celle des composés phénoliques (le cabernet franc y est particulièrement sensible). A cet égard, une plantation dense (10 000 pieds/ha) est moins soumise qu'une plantation lâche (2000 pieds/ha) au dilemme qualité / rendement : chez cette dernière, en effet, le volume de la récolte a une incidence plus directe sur le retard de maturation qu'une vigne à forte densité.

L'éclaircissage de la récolte (vendanges vertes) se pratique de préférence juste avant la véraison, afin de ne pas avoir trop d'influence sur la végétation. Enlever 30% des raisins ne permet toutefois de réduire la récolte que de 15% car les grains restants deviennent plus gros. Pour réduire le rendement, il vaut donc mieux agir en amont sur la taille de la vigne.

Une fois le raisin en cuve, il est encore possible de concentrer sa teneur en polyphénols en pratiquant une saignée de 5 à 20% du moût, mais il s'agit d'un simple palliatif qui ne remplace pas une bonne conduite de la vigne.

Une parfaite maturité phénolique ne suppose pas seulement un taux maximal de polyphénols, mais aussi une forte concentration en « bons tanins » moelleux et sans amertume (une année trop froide empêche d'obtenir cette maturité, mais une année trop chaude entraînant une accumulation trop rapide des sucres oblige également à vendanger avant l'obtention de la parfaite maturité phénolique).

Concentration tannique des vins :

Un raisin pauvre en polyphénols doit être vinifié en vin léger. Mais un raisin riche en polyphénols doit parfois aussi être vinifié en vin plus léger si la qualité de ces polyphénols n'autorise pas une extraction poussée. Seuls les meilleurs raisins possédant toutes les qualités requises (abondance de « bons tanins », degré d'alcool suffisant et bon taux d'acidité) peuvent, grâce à une longue macération, être vinifiés en grands vins de garde possédant à la fois richesse tannique et complexité aromatique. Même si la recherche de la puissance tannique maximale n'est pas totalement compatible avec celle d'une harmonie de structure en raison de sa tendance à effacer la finesse du fruit, une bonne qualité de tanins permet toutefois d'obtenir des vins de garde qui sont déjà agréables à boire dès leur jeunesse grâce à une charpente tannique restée harmonieuse. L'application généralisée de ces bonnes pratiques aux divers vignobles a d'ailleurs pour effet de rapprocher la qualité des vins ainsi obtenus, même parfois sur des terroirs moins réputés.

L’écoulage

La fixation du moment de l'écoulage :

Le choix de la durée de cuvaison dépend des caractères du vin recherché (selon que l'on donne la priorité à la puissance tannique ou au fruité léger) et de la qualité du raisin (les longues cuvaisons restant réservées aux cépages nobles dans les régions de vins de haute qualité). Comme la qualité du raisin dépend de beaucoup de variables telles que l'encépagement ou le millésime, la durée de cuvaison ne peut être décidée uniformément pour un même vignoble, mais doit être adaptée d'un cru à l'autre, d'une année à l'autre, voire d'une cuve à l'autre.

Pour des cuvaisons longues, seules les cuves fermées sont recommandées car elles éliminent le risque d'altération bactérienne.

Au-delà de 2 semaines de cuvaison, la teneur en polyphénols totaux augmente beaucoup plus lentement, mais surtout leur évolution devient plus qualitative grâce à un phénomène de maturation des tanins qui les assouplit. L'oxydation des tanins provoquée par les remontages y contribue dans une large mesure.

Schématiquement, on peut observer trois types de durée de cuvaison :

- Ecoulage avant la fin de la fermentation : pour obtenir des vins souples et fruités à boire très jeunes, on peut limiter la cuvaison à 3 à 4 jours et pratiquer un écoulage avant même la fin de la fermentation afin que celle-ci se termine sans contact avec le marc, comme un vin blanc ou rosé.

- Ecoulage dès la fin de la fermentation : une cuvaison moyenne d'environ 8 jours avec écoulage dès la fin de la fermentation permet d'espérer la couleur maximale avec un taux de tanin modéré des vins jeunes, ainsi qu'un meilleur équilibre gustatif entre arômes fruités et structure tannique. Elle peut également suffire à certains grands vins issus de raisins très concentrés par une grande maturité, et elle s'impose en cas de vinification en cuve ouverte.

- Ecoulage après la fin de la fermentation : pour obtenir des vins plus généreux plus aptes à la garde, une cuvaison prolongée de plusieurs jours à deux semaines après la fin de la fermentation alcoolique est bénéfique car elle permet d'extraire les tanins nécessaires au vieillissement. Il convient alors de veiller à ce que ces tanins soient assez souples pour ne pas écraser la palette aromatique.

L'écoulage prématuré :

Les facteurs obligeant à un écoulage prématuré non voulu au départ sont l'arrêt intempestif de la fermentation (un écoulage permet alors d'éliminer la population bactérienne concentrée dans le marc et de pratiquer sur le jus un sulfitage léger qui inhibe les bactéries sans entraver outre mesure l'action des levures) ou encore un état sanitaire insuffisant (un excès de laccase dû à la présence de pourriture grise peut plus facilement provoquer une casse oxydasique du vin si la durée de macération se prolonge).

Ecoulage en cuve contre écoulage en fût :

Après l'écoulage, le passage en cuve plutôt que le transfert immédiat en fûts est une solution de facilité pour le vigneron : il permet l'harmonisation du cru car il égalise la répartition des levures, bactéries et sucres résiduels et facilite par là un achèvement homogène des fermentations, notamment par la possibilité d'un chauffage maintenant une température plus propice au déclenchement de la malolactique. De plus, il facilite le contrôle analytique. Mais une malolactique en cuve est moins qualitative, car la cuve facilite les phénomènes de réduction alors qu'une malolactique opérée en fûts renforce la complexité aromatique et améliore la finesse du caractère boisé. On constate que plus vite le vin est mis en fûts après écoulage, meilleure est sa qualité.

Le pressurage du marc

Les conditions du pressurage :

Mais l'opération de pressurage du marc est délicate car le marc fermenté est encore plus sensible aux effets négatifs d'une dilacération et aux phénomènes oxydatifs générant de l'acidité volatile. Idéalement, il importe donc que le marc tombe par simple gravité dans le pressoir. A défaut, l'usage d'un tapis roulant ou d'un cuvon mobile permet d'éviter l'usage d'une pompe, dont l'effet est toujours trop brutal et oxydatif.

Le pressurage se fait en plusieurs fois, entrecoupées par un émiettage du marc. Pour cette raison, la qualité des premières presses est supérieure à celle des dernières, qui doivent être soit distillées soit jetées car trop riches en bourbes. De ce fait, les pressoirs pneumatiques sont préférables aux autres systèmes car ils triturent moins le marc.

L'utilisation des vins de presse dans l'assemblage final :

Le vin de presse doit être considéré comme un élément de bonification car son introduction au moins partielle dans le vin de goutte en améliore la qualité.

Le vin de presse constitue environ 15% de la totalité du vin. Il se compose d'une part de vin interstitiel, facile à extraire et peu différent du vin de goutte si le vin a été préalablement bien homogénéisé, et d'autre part de vin imbibé dans les tissus mêmes du marc, donc plus difficile à extraire et beaucoup plus tannique que le vin de goutte.

Pour cette raison, la première presse est de bonne qualité et représente 10% de la totalité du vin, dont les 2/3 de la totalité du vin de presse. Le vin des presses suivantes est de qualité inférieure, avec des notes astringentes et herbacées, car il est obtenu au prix d'un triturage trop violent du marc et d'une trop forte pression.

La qualité du vin de presse dépend d'abord des qualités du raisin (par exemple : les climats chauds donnent des vins de presse aux tanins plus agressifs et plus végétaux que les climats froids), mais elle dépend aussi des conditions de remplissage du pressoir et de la conduite du pressurage.

D'autre part, plus la macération a été poussée et a donc été extractive, plus le vin de presse est pauvre. Dans le cas extrême, il ne lui reste plus que ses goûts herbacés et il doit être éliminé, d'où une perte en volume et l'impossibilité d'améliorer le vin de goutte par sa réincorporation partielle.

Pour les vins de qualité, on peut recommander un seul pressurage sans réémiettage (ou : « rebêchage ») du marc, avec une lente montée de la pression jusqu'à son maximum. La quantité récoltée est moindre, mais la qualité en est fortement améliorée par l'absence de triturage entre les pressées.

Outre leur plus grande concentration en polyphénols, les vins de presse apportent généralement un taux supérieur de sucres réducteurs et d'acidité, mais aussi plus d'ampleur par leurs tanins, et plus d'homogénéité et de gras par leurs polysaccharides et colloïdes. L'utilisation du vin de presse est donc recommandée pour les vins de garde, en particulier sous des climats tempérés.

En revanche, par leur lourdeur ils tendent à masquer le caractère fruité du vin nouveau, même si ce défaut s'estompe sensiblement durant l'élevage. L'utilisation du vin de presse doit donc être évitée dans les cas suivants : vins légers destinés à la consommation en primeur, cépages communs et rustiques, vins de qualité dont le vin de goutte est déjà très tannique (cas plus fréquent sous les climats chauds). Dans tous ces cas, le vin de presse doit plutôt être distillé.

Le moment idéal pour cet assemblage avec le vin de goutte est la fin de la malolactique. En fonction du vin qu'on désire obtenir on introduit entre 5 et 10% de vin de presse.

La fermentation malolactique (FML)

Le principe de la FML :

Bien qu'elle augmente le pH, la malolactique améliore la stabilité du vin car l'acide malique est biologiquement très instable : un vin mis en bouteille avec des restes d'acide malique peut refaire une FML en bouteille, avec apparition d'un trouble et de l'acidité volatile.

Les mêmes bactéries lactiques sont dangereuses quand elles s'attaquent aux sucres (piqûre lactique, avec production d'acidité volatile) et bénéfiques quand elles dégradent l'acide malique. D'où la nécessité de veiller à ce qu'elles n'interviennent qu'une fois la fermentation alcoolique achevée, sans sucres résiduels, après l'écoulage.

Une fois la FML terminée, ces bactéries redeviennent dangereuses en s'attaquant à d'autres constituants du vin (pentoses, glycérol, acide tartrique) pour produire des maladies (piqûre, tourne, amertume) et de l'acidité volatile. Pour les éliminer, on pratique le soutirage (la plus grande partie des bactéries reste avec les lies) et le sulfitage (3 à 6 g/hl). Lors de la mise en bouteille, l'utilisation de la chaleur peut aussi contribuer à ce résultat. Le lysozyme du blanc d'œuf et l'acide fumarique ont également une action, mais ils sont moins stables que le SO2

Inversement, on est d'autant moins exposé à ce risque que le pH est bas, que la température de conservation est basse et qu'il reste moins de sucre résiduel et d'acide citrique dans le vin.

Les diverses transformations du vin par la FML :

La FML fait baisser l'acidité du vin de 2 à 3 g/l (évalué en équivalent H2SO4, soit 3 à 4,5 en équivalent acide tartrique). Transformer 1g d'acide malique fait baisser de 0,4 g/l l'acidité totale.

On suit l'évolution de la FML par la mesure de l'acidité totale, mais comme cette baisse peut aussi résulter d'une précipitation d'hydrogénotrate de potassium et que, par ailleurs, l'acide tartrique est également présent dans cette mesure, seul l'emploi de la chromatographie sur papier permet de constater la disparition de l'acide malique dans le vin.

La FML produit toujours de l'acidité volatile car elle dégrade aussi d'autres constituants du vin (principalement l'acide citrique, mais aussi les pentoses), surtout en fin de processus quand l'acide malique se fait plus rare et le pH plus élevé. Il faut donc toujours coupler le suivi de la disparition de l'acide malique avec le contrôle de l'acidité volatile, afin de pouvoir intervenir rapidement par un sulfitage approprié (3g/hl).

Mais la FML produit aussi d'autres substances intéressantes pour le goût du vin, dont le lactate d'éthyle (impression de « volume ») et le diacétyle (goût de « beurre »). Ces divers effets amélioratifs de la FML sur le plan gustatif restent proportionnels au volume d'acide malique transformé par les bactéries : un vin naturellement pauvre en acide malique ne sera donc que faiblement bonifié par une FML, et inversement. La FML atténue par ailleurs la couleur rouge, mais aussi la stabilise.

L'amélioration qualitative de la FML est encore renforcée si celle-ci se déroule en barriques (plus de vinosité, nez plus fin, boisé mieux fondu, tanins plus veloutés). Mais ce n'est pas souvent le cas car, pour les vignerons, la FML est toujours plus aisée à pratiquer en grand volume.

Le contrôle de la FML :

Idéalement, la FML ne doit se déclencher qu'après achèvement de la fermentation alcoolique afin que les bactéries ne puissent transformer le sucre résiduel en acidité volatile. Si elle intervient prématurément, les deux fermentations alcoolique et malolactique se contrarient : dans leur phase de prolifération, les bactéries dégraderont l'acide malique préférentiellement au sucre résiduel, mais après disparition de l'acide malique, le risque devient sérieux. Même en cas d'achèvement de la fermentation alcoolique, ce risque continue à exister si la FML intervient sur marc dans la phase de macération postfermentaire, car le marc piège toujours plus de sucre que le jus, surtout en cas de vendange peu foulée.

Une FML normale dure entre quelques jours et quelques semaines. Un retard excessif est toujours dû à de mauvaises conditions de réalisation (température trop basse, excès de SO2, acidité trop élevée).

Si on doit attendre l'été suivant pour que la FML démarre, quelques précautions peuvent être prises pour préserver le vin, comme un léger sulfitage pour le protéger de l'oxydation, ainsi qu'une élimination des lies pour éviter des odeurs de réduction. En revanche, une fois la FML achevée, un soutirage pour éliminer les lies et un sulfitage de 3 à 6 g/hl permettent une stabilisation définitive en empêchant les bactéries lactiques de s'attaquer à d'autres constituants du vin.

Au moment où cette stabilisation du vin intervient, le taux d'acide malique doit toujours être inférieur à 100mg/l, et le risque devient même certain au-dessus de 200 mg/l.

Les conditions nécessaires à la réalisation de la FML :

Après l'écoulage et la période de latence qui se pratique habituellement, la FML a besoin d'une concentration de 106 cellules/ml pour démarrer. Ce démarrage est toujours plus facile dans des contenants de grande capacité que dans de petits contenants.

Les facteurs qui peuvent être pris en compte pour le contrôle de la FML sont l'acidité, la température, l'aération, la durée de cuvaison et le sulfitage.

Influence de l'acidité :

L'acidité entrave la FML (car son pH idéal serait de 4,5), mais parallèlement la rend plus « pure » car l'acidité concentre l'action de la FML sur le seul acide malique (donc avec une production moindre d'acidité volatile). En dessous d'un pH de 3,3 elle reste très difficile, et en dessous de 2,9 elle devient totalement impossible. La FML est donc d'autant plus difficile techniquement que l'acidité du vin la rend plus nécessaire sur le plan gustatif.

Influence de la température :

La température optimale pour déclencher la FML se situe entre 20 et 25° C, mais après son démarrage la FML se poursuit naturellement jusqu'à son achèvement, de sorte que la température peut tomber jusqu'à 10° C sans entraver la poursuite du processus. Maintenir la température la plus basse possible après son déclenchement limite même les risques de déviation vers la dégradation d'autres constituants que l'acide malique.

Influence de l'aération :

L'oxygénation du vin accélère le démarrage de la fermentation, mais trop d'oxygène la retarde, de sorte qu'au départ, les conditions les plus favorables sont une aération ménagée.

Influence du sulfitage :

Les bactéries lactiques sont extrêmement sensibles au SO2, non seulement libre mais aussi combiné. Dans des conditions normales de vinification, il ne faut donc pas sulfiter à l'écoulage. Mais même le sulfitage initial lors de la mise en cuve doit être raisonné, à cause de la sensibilité des bactéries au SO2 combiné : en région tempérée, si un sulfitage initial de 5g/hl n'entrave pas le départ en FML, 10 g/hl la retardent fortement et 15 g/hl l'empêchent totalement. Ces seuils sont fortement réduits en région plus froide (5g/hl peuvent déjà l'interdire), et fortement augmentés en région plus chaude (où elle peut supporter jusqu'à 20 g/hl de sulfitage initial).

Pour les mêmes raisons, si la FML ne s'est pas déclenchée avant l'hiver, les divers sulfitages de protection contre l'oxydation devront être judicieusement administrés afin de ne pas compromettre son déclenchement au printemps suivant.

Influence de l'alcool :

Outre le SO2 et l'acidité, le degré d'alcool est un facteur inhibiteur des bactéries lactiques (voire fatal au-dessus de 14 % vol, même si certains lactobacilles peuvent résister à 18 et 20 % vol et altérer ainsi des vins liquoreux).

L'inoculation par des bactéries exogènes :

L'ensemencement par des bactéries industrielles reste problématique car les mêmes facteurs qui ont inhibé les bactéries naturelles agissent encore plus fortement sur les bactéries exogènes. D'où la nécessité de les activer préalablement par une mise en culture dans du moût pour former un levain, mieux apte à survivre ensuite en milieu alcoolisé, ou de choisir des bactéries industrielles préalablement réactivées en vue de les rendre plus résistantes à l'éthanol, au SO2 et à l'acidité propre au vin.

Il est également possible d'inoculer une cuve à partir d'une autre en introduisant dans la première les lies d'une cuve arrivée en fin de FML.

La technique de la thermovinification

Le chauffage des raisins, entiers ou foulés favorise la diffusion des composés phénoliques des pellicules. La technique de la thermovinification consiste donc à chauffer rapidement la vendange à 65 voire75° C pendant 10 à 15 minutes. Outre une accélération du processus de vinification permettant de traiter de plus gros volumes de raisin, les avantages attendus sont une extraction plus rapide des anthocyanes, une destruction des oxydases et, dans le meilleur des cas, des vins plus ronds et plus charnus. En revanche, on note que l'augmentation initiale de l'intensité colorante n'est pas stable puisque cet avantage disparaît au cours de la fermentation puis de la conservation, que les vins sont plus difficiles à clarifier, suite à la destruction des enzymes pectolytiques naturels du moût, et que le processus peut parfois aussi conduire à une amertume tannique excessive.

Pour ces raisons, cette technique n'est pas utilisée pour vinifier les grands vins, d'autant plus que la régulation thermique des cuves de vinification est aujourd'hui très performante et, en opérant plus lentement et à température moindre, permet d'obtenir les mêmes avantages sans leurs inconvénients.

La technique de la macération carbonique

Le principe de la macération carbonique :

Cette technique, particulière à certains vins, dont au premier chef le Beaujolais, consiste à faire fermenter les grains à l'abri de l'air en les gardant entiers, sans éraflage, dans une atmosphère saturée de gaz carbonique. Il en résulte des processus enzymatiques différents d'une vinification classique qui confèrent au vin ainsi produit des qualités organoleptiques qui lui sont propres.

En réalité, dans les conditions normales de vinification, le poids de la vendange encuvée écrase les baies situées dans le bas de la cuve, de sorte que l'on peut distinguer dans la cuve trois couches de nature différente :

- Une couche supérieure constituée de raisins entiers immergés dans une atmosphère de CO2. C'est la seule qui remplit les conditions d'une macération carbonique stricto sensu puisque les baies, au seul contact du gaz carbonique, sont soumises à une fermentation exclusivement intrapelliculaire.

- Une couche inférieure, constituée de baies écrasées immergées dans leur jus. Au contact des levures (indigènes ou ajoutées), le moût commence à fermenter comme dans une vinification classique, mis à part l'absence d'oxygène.

- Une couche intermédiaire constituée de raisins entiers immergés dans le jus provenant des baies inférieures écrasées. Cette couche intermédiaire est soumise à un métabolisme mixte puisque, en plus d'une fermentation intrapelliculaire carbonique en partie entravée par son immersion dans un liquide qui l'isole du CO2 à l'état gazeux, au contact du jus de la couche inférieure elle est aussi exposée aux effets de la fermentation levurienne extrapelliculaire.

Au cours de la macération, toutes les baies tendent ensuite à se déstructurer, de sorte que les deux couches supérieures se réduisent progressivement au bénéfice de la couche inférieure, mais on voit que l'effet macération carbonique est d'autant plus marqué que la proportion de raisin écrasé est moindre.

Dans une deuxième phase, afin que la transformation du sucre en alcool puisse être menée à son terme, la vinification se poursuit de manière plus traditionnelle : la cuve est vidée et le marc pressé, le vin de presse et le vin de goutte sont assemblés et achèvent ensemble leurs fermentations, alcoolique d'abord sous la forme d'une fin de fermentation alcoolique aérobie classique, puis malolactique.

Le métabolisme anaérobie :

La fermentation à l'abri de l'oxygène produit à peu près la même quantité d'alcool (soit18,5 g de sucre pour 1g d'alcool) que la méthode traditionnelle mais, par l'effet d'une enzyme, elle dégrade beaucoup plus fortement l'acide malique, et par ailleurs la part de glycérol par rapport à l'éthanol est beaucoup plus importante (20% au lieu de 8% en vinification classique). On note également des différences significatives concernant la composition en alcools supérieurs et en esters de fermentation. L'effet principal reste toutefois l'augmentation de différents dérivés aromatiques spécifiques à ce type de vinification, comme le cinnamate d'éthyle.

Ce résultat ne s'explique pas seulement par l'effet du métabolisme intracellulaire pur, car reproduit de manière isolée il génère des composés plutôt désagréables au goût et à l'odeur. Il résulte plutôt de la combinaison des effets intracellulaires et des effets dus à l'action des levures.

La conduite de la macération carbonique :

Pour préserver l'intégrité des baies, le raisin n'est souvent pas éraflé, d'où le défaut parfois présent d'un goût herbacé et amer. Un éraflage délicat respectant l'intégrité des baies est donc souhaitable, même si on constate un métabolisme moins intense des baies détachées de leur pédoncule par rapport aux grappes entières.

La rapidité à laquelle les baies se décomposent pour libérer un jus de goutte dépend de divers facteurs : cépage, état de maturité, hauteur de la cuve, température, intervention de remontages. Par exemple, avec un cépage carignan vinifié à 25° C, 15% du jus est libéré en 24 heures, 60% au 5ème jour, et 80% au 8ème jour.

En cas de pH élevé, un sulfitage lors d'un remontage d'homogénéisation -éventuellement accompagné de lysozyme et/ou d'acide tartrique- peut être envisagé pour éviter un développement prématuré de bactéries lactiques.

Dans tous les cas, la pratique du remontage doit rester marginale car, à l'encontre de ce qui est recherché dans ce type de vinification, elle augmente prématurément le volume de jus de goutte. En revanche, en fin de processus fermentaire juste avant l'écoulage, quelques remontages augmentent l'intensité aromatique et la structure tannique.

Le couple température-temps de la phase anaérobie est un paramètre essentiel de la macération carbonique. Pour avoir sa pleine efficacité, le processus doit se dérouler à une température comprise entre 30 et 35° C : à 32 ° C, il s'étale sur 8 jours, sur 10 jours à 25 ° C, et sur 15 jours à 15° C. En dessous de 15° C il semble qu'on ne bénéficie plus des avantages d'une macération carbonique.

Comme la température souhaitable est élevée, le contrôle des phénomènes microbiens est important durant cette phase fermentaire : il comprend le contrôle de la disparition du sucre et celle de l'acide malique, et le contrôle du taux d'acidité volatile.

Le pressurage :

Compte tenu de la présence de baies entières, la pression nécessaire est d'un tiers à un demi de plus par rapport à la vinification classique. Mais en même temps, pour ne pas affecter la structure des tissus et ruiner ainsi le bénéfice de ce type de vinification, le pressurage doit être réalisé sans trituration du marc. C'est pourquoi le pressoir pneumatique est ici préférable.

Comme la macération carbonique est beaucoup moins extractive que la vinification classique, le jus de presse est ici plus riche organoleptiquement que le vins de goutte, et sa proportion dans l'assemblage final doit donc être la plus élevée possible. Pour une meilleure harmonisation, il est également conseillé d'assembler le vin de presse et le vin de goutte aussitôt après le pressurage, donc avant l'achèvement de la fermentation alcoolique et la malolactique. La température idéale de cette dernière phase de fermentation doit alors redescendre entre 18 et 20° C afin de préserver les éléments aromatiques.

Les caractéristiques des vins de macération carbonique :

Sur le plan organoleptique, le résultat d'une macération carbonique dépend beaucoup de la température à laquelle elle a été pratiquée. A 35° C, elle permet la même richesse tannique qu'une vinification classique. A une température plus basse, l'extraction des anthocyanes et des tanins est moindre, de même que la densité, l'acidité fixe et le taux d'extrait sec. Les vins ainsi produits sont donc généralement plus souples et plus ronds, moins charpentés.

Ils sont d'autre part beaucoup plus aromatiques. C'est la raison pour laquelle cette vinification profite davantage aux cépages rustiques et/ou assez neutres, comme le gamay ou le carignan, dont une extraction classique poussée ferait surtout ressortir les défauts, alors que la macération carbonique augmente leur intensité aromatique. A fortiori, dans le cas de cépages naturellement aromatiques comme le muscat ou la syrah, l'arôme dominant s'en trouve encore plus fortement exalté. Quand elle vise un plus haut degré qualitatif, l'élaboration de ces vins se termine parfois par une phase de vinification classique qui cherche à conjuguer les bénéfices des deux méthodes, avec une macération pelliculaire s'étendant sur toute la phase de fermentation, voire postfermentaire, puis un élevage en barrique de bois neuf.

En raison de leur souplesse et de leur richesse aromatique, les vins issus de la macération carbonique simple sont surtout des vins rouges primeurs destinés à une consommation rapide n'excédant pas 2 ans, plus rarement à des rosés et des vins doux naturels. Mais ils servent aussi parfois d'améliorateurs dans des assemblages avec des vins vinifiés de manière classique : aux vins de vendanges foulées dont la dominante est plus vineuse, avec des notes de bois, résine et réglisse, ils apportent des notes de kirsch, de cerise et de prune.

 

nouveau: traduction automatique en 50 langues!!

 

madeonmac

L'abus d'alcool est dangereux pour la santé,
à consommer avec modération.

Webmestre :