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L'ŒNOLOGIE POUR TOUS : MICROBIOLOGIE DU VIN
LES BACTÉRIES ET LA FERMENTATION MALOLACTIQUE

2) LE DÉVELOPPEMENT DES BACTÉRIES LACTIQUES DANS LE VIN

Les facteurs de croissance bactérienne :

Pour se développer, les bactéries lactiques n’ont pas besoin de plus de 1g/l de glucose résiduel dans le vin, et tous les autres besoins nutritionnels des bactéries, tels que carbone, azote et minéraux, se trouvent aussi en quantité suffisante dans le vin.

Les 4 paramètres qui déterminent la vitesse de croissance des bactéries lactiques dans le vin sont : le pH, le SO2, l’alcool et la température. Il est toutefois difficile de les quantifier car ils sont étroitement dépendants les uns des autres.

Le pH :  

Les bactéries lactiques supportent les pH faibles du vin, mais sont moins actives et moins variées avec un pH très faible (2,9) qu’avec un pH plus élevé (3,8) : bien que l’activité de la bactérie O oeni soit optimale entre 3 et 3,2, et perde 40% à 3,8, ceci est plus que compensé par une prolifération largement supérieure dans le cas d’un pH plus élevé (ex : 164 jours à 3,15 et seulement 14 jours à 3,83).

Les vins moins acides sont donc plus fragiles sur le plan microbiologique car, plus actives et plus diverses, les bactéries génèrent une plus grande quantité et variété de composés, pour la plupart indésirables. Le sulfitage raisonné est la meilleure arme contre ce danger, en dépit du fait que le SO2 devient beaucoup moins efficace avec un pH élevé.

Les seuils minimaux de pH pour dégrader les sucres et l’acide malique ne sont pas identiques. Les souches de bactéries lactiques les plus adaptées sont celles qui ont un seuil plus bas pour l’acide malique que pour le sucre (ex : respectivement 3,2 et 3,51) car en donnant plus largement la priorité à la dégradation de l’acide malique sur celle des sucres elles produisent moins d’acidité volatile.

La malolactique se déclenche plus facilement dans le vin de presse car, notamment avec un pH généralement plus élevé, elle y trouve des conditions plus favorables

Le SO2  

Contre les bactéries lactiques, la forme active du SO2 est appelée « SO2 moléculaire », combinaison entre la concentration en SO2 libre et le pH du vin. Comme l’effet du SO2 décroît très fortement à mesure que le pH augmente, il faut 4 fois plus de SO2 libre à pH 3,8 qu’à pH 3,2 pour obtenir la même efficacité.

Le SO2 combiné est 5 à 10 fois moins actif que le SO2 libre, mais sa concentration est aussi 5 à 10 fois plus élevée, de sorte qu’il contribue lui aussi à l’inhibition et l’élimination des bactéries lactiques. Cette particularité incite à bien doser l’ajout de SO2 au moût dans la phase préfermentaire. Cet ajout en début de vinification est utile pour exercer un effet inhibiteur transitoire sur les bactéries lactiques, mais une trop forte dose peut laisser à la fin de la fermentation alcoolique un taux de SO2 combiné nuisible au bon déclenchement de la malolactique.

L’éthanol :

Comme la plupart des micro-organismes, les bactéries lactiques sont sensibles à l’éthanol et, en laboratoire, ne survivent pas à une concentration de 8 à 10% vol., mais en milieu vineux celles-ci développent un pouvoir d’adaptation au moins jusqu’à 14 %vol.

En outre, plus le degré d’alcool augmente, plus la température optimum de développement diminue.

La température :

En milieu alcoolisé, la température idéale pour la croissance et l’activité de O oeni est 20 à 23° C. D’où la nécessité de ne pas laisser retomber la température du vin en dessous de ce seuil à l’issue de la fermentation alcoolique. En dessous de 18° C, la malolactique a en effet du mal à démarrer, et en dessous de 14 ° C la croissance devient même impossible. Toutefois, une fois qu’elle a démarré, elle peut se poursuivre même si la température chute à 10° C. Dans ce cas, la malolactique se contente de ralentir, jusqu’à durer plusieurs mois au lieu de 6 jours. Au-delà de 25° C, elle est également ralentie, et la chaleur favorise encore davantage la formation d’acidité volatile.  La température est donc à la fois le facteur le plus déterminant et le plus facile à contrôler pour la conduite de la malolactique.

Les autres facteurs :

D’autres facteurs influent sur la croissance des bactéries (positifs, comme la présence d’anthocyanes libres, ou négatifs, comme les ellagitanins des fûts), mais ils demeurent à la fois largement moins connus et moins actifs que les facteurs précédents. L’oxygénation lors du soutirage ou de l’écoulage s’avère également assez souvent favorable à cette croissance.

L’évolution de la flore lactique au cours de la vinification :

Les bactéries lactiques sont déjà présentes sur la pruine du raisin, mais elles sont beaucoup plus présentes dans les moûts en fin de vendanges qu’au début car, comme pour les levures, c’est par le matériel de vinification que les bactéries colonisent progressivement le chai.

Parmi les bactéries lactiques, O oeni est très peu présente en début de fermentation alcoolique, mais durant la fermentation c’est toujours elle qui prend le dessus sur les autres bactéries lactiques.

Avant même l’action des bactéries lactiques sur l’acide malique, les levures ont déjà métabolisé jusqu’à 30% de l’acide malique pour le transformer en alcool : c’est la fermentation « malo-alcoolique ». C’est seulement quand les bactéries lactiques deviennent plus nombreuses en succédant aux levures que la vraie malolactique peut débuter.  

En début de fermentation alcoolique, les bactéries ont déjà commencé par se multiplier parallèlement aux levures. Une dose adaptée de SO2 (soit 5 g/hl) limite cette croissance initiale des bactéries sans toutefois l’empêcher, mais par la suite, la fermentation alcoolique à elle seule fait retomber la population bactérienne. En se multipliant, les levures inhibent en effet la prolifération des bactéries, d’une part en produisant des toxines auxquelles ces dernières sont sensibles, d’autre part en épuisant leurs ressources alimentaires. Toutes les souches de levures n’ont d’ailleurs pas le même pouvoir inhibiteur des bactéries durant la phase fermentaire, paramètre qui peut donc être un critère de sélection pour des vendanges très mûres destinées à produire des vins très opulents. Mais en fin de fermentation le processus s’inverse car, en se décomposant, les parois des cellules mortes de levures libèrent des nutriments constituant des facteurs de croissance pour les bactéries qui, en se multipliant, produisent à leur tour des substances qui accélèrent la mort des dernières levures.

Après la fermentation alcoolique, selon l’état des 4 paramètres pH, température, alcool et SO2, la malolactique peut démarrer immédiatement après l’écoulage, ou au contraire connaître une phase de latence de plusieurs mois.

Dans les conditions idéales de vinification, la totalité des sucres fermentescibles doit avoir disparu avant une nouvelle prolifération des bactéries lactiques, prélude au déclenchement de la malolactique. Dans le cas contraire, non seulement le déclenchement trop précoce de la malolactique gênerait fortement la fin de la fermentation alcoolique, mais encore la trop forte teneur du moût en sucres résiduels exposerait davantage au risque de piqûre lactique, voire à celui d’autres types de contamination (comme par Brettanomyces).  

En permettant de visualiser facilement la présence des principaux acides du vin, la chromatographie sur papier suffit pour observer le début et le déroulement général de la malolactique, mais la fin doit être suivie par dosage enzymatique. On considère la malolactique achevée lorsque la teneur en acide malique résiduel est inférieure à 0.2 g/l

Une fois que tout l’acide malique a été transformé, soutirage accompagné d’un sulfitage adapté (visant une teneur du vin en SO2 libre de 30 à 40 mg/l) doit éliminer au plus vite les dernières bactéries lactiques afin d’éviter qu’elles se mettent à métaboliser divers autres substrats dont la plupart sont indésirables, et provoquer une augmentation anormale de l’acidité volatile.

En élevage en barrique les bactéries sont plus difficiles à éliminer. En revanche, chez les vins rouges, un collage au blanc d’œuf est très efficace pour les éliminer par précipitation au fond de la cuve.

Incidence de la flore lactique sur la composition du vin :

Après la vinification, d’autres bactéries lactiques que O oeni peuvent refaire leur apparition, et ce sont elles surtout qui présentent le plus grand risque d’altération du vin (maladie de la graisse, de la tourne, ou de l’amertume).

La dégradation de l’acide citrique par les bactéries lactiques est nécessaire car cet acide est un facteur d’instabilité microbiologique, et aussi parce que sa dégradation produit de l’acétyle, agréable à faible dose, même si cette dégradation entraîne aussi une production d’acide acétique (cette production toutefois limitée à 70 mg/l, dose insuffisante pour produire à elle seule une déviation organoleptique). Comme la dégradation de l’acide citrique est plus lente que celle de l’acide malique, elle se termine généralement après le sulfitage final.

On peut craindre une piqûre lactique à partir de 4 g/l de sucre résiduel.  Ce risque concerne plus particulièrement les vendanges très mûres (sucre abondant+ manque d’azote + pH élevé = risque de ralentissement de l’activité fermentaire propice au développement prématuré des bactéries lactiques). Inversement, chez un vin très riche, les bactéries ont davantage de difficulté à opérer la malolactique. D’où l’importance d’un sulfitage correct avant la fermentation : trop faible, il n’écarte pas le danger d’une piqûre lactique, trop fort il empêche la survenue de la malolactique en fin de fermentation alcoolique.

Toutes les souches de levures n’ont d’ailleurs pas le même pouvoir inhibiteur des bactéries durant la phase fermentaire, paramètre qui peut donc être un critère de sélection pour des vendanges très mûres destinées à produire des vins très opulents.

Outre la transformation de l’acide malique et citrique, la malolactique produit également d’autres modifications : diminution et stabilisation de la couleur, production de composés aux arômes de chocolat, pain toasté, fruits rouges. Elle s’impose donc aux vins rouges, auxquels elle confère souplesse, rondeur et stabilité microbiologique, ainsi qu’aux vins blancs septentrionaux sans arômes variétaux, comme le chardonnay qu’elle assouplit et complexifie, mais pas du tout aux vins blancs riches en arômes variétaux, qu’elle annihile.  

 

 

 

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