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L'ŒNOLOGIE POUR TOUS : LA VINIFICATION
LES VINS SOUS VOILE

Ce sont des vins soumis à une période de vieillissement au contact de l'air, par développement d'un voile de levures typiques à leur surface après leur fermentation alcoolique, additionnés ou pas d'eau de vie. Les deux exemples les plus connus sont le Xérès espagnol et le vin jaune du jura.

Le Xérès

Les conditions de sa production :

Le Xérès est produit en Andalousie, à partir de 95% de cépage palomino, et de 5% de pedro ximénes.

Le palomino est un cépage tardif nécessitant des climats chauds. Il a une capacité moyenne à accumuler le sucre et son acidité chute rapidement à maturité. Les vins blancs classiques sont neutres et sensibles à l'oxydation. Les producteurs de Xérès ont optimisé sa vinification, transformant ses défauts en qualités, car muté en fin de vinification et élevé sous voile de levure, il devient un vin délicat et très aromatique.

Le pedro ximénes est lui aussi particulièrement adapté aux chaleurs extrêmes de l'Andalousie. La finesse de sa peau permet un dessèchement rapide et un taux de sucre très important, et pour augmenter la concentration des baies, les grappes sont exposées au soleil quelques jours après la vendange. Dans la région de Jerez, le pedro ximénez est parfois utilisé en mono- cépage pour élaborer des vins doux très sucrés, d'une couleur très sombre, quasiment noire. Mais il est le plus souvent assemblé avec des Xérès plus secs auxquels il donne de la rondeur. On parle alors de « cream ».

Les vignes de Xérès sont cultivées sur des terroirs différents, responsables d'une hiérarchie de la production. Leurs moûts titrent entre 12 et14% vol. d'alcool potentiel, avec une acidité basse de 2 à 3 g/l.

Dans sa première phase, la vinification du Xérès est celle d'un vin blanc classique sans macération : foulage et pressurage modérés avec sélection des jus selon l'ordre des pressées, clarification par débourbage et réfrigération. Sa faible acidité est en outre traditionnellement renforcée par une addition de 2 g/l de plâtre alimentaire (sulfate de calcium) faisant chuter le pH de 0.2, renforcée ou pas par une supplémentation de 1,5 g/l d'acide tartrique.

Le SO2 est utilisé pour désinfecter les fûts, mais peu dans le moût lui-même afin de ne pas compromettre le développement des levures de voile.

Pour limiter les risques d'échauffement durant la phase fermentaire, celle-ci est conduite dans de petits récipients, soit des fûts de 516 litres, soit de petites cuves inox.

L'élevage sous voile :

Après quelques mois de conservation sur lies, les vins qui, à la dégustation, se révèlent les plus aptes au vieillissement sont soutirés, alcoolisés jusqu'à titrer entre 15 et 15,5 % vol. et conservés avec un vide d'un sixième du volume total. Le degré alcoolique protège le vin des altérations microbiennes mais, à cette concentration, n'empêche pas la formation spontanée d'un voile de levure à sa surface.

Ce voile est constitué par des levures spécifiques à la région, provenant soit de la pruine du raisin lui-même, soit des fûts ayant déjà servi à la production de ce type de vin. Appartenant à 97% à la famille des Saccharomyces cerevisiae, ce sont de « bonnes » levures sans aucune parenté avec les levures de contamination. Leurs différentes souches ont différentes propriétés qui concourent toutes à l'élaboration du Xérès, leur caractéristique principale étant de pouvoir, au contact de l'air, oxyder l'éthanol en éthanal, à des taux d'alcool compris entre 15 et 16 % vol. Au-dessus de 16,5%, en effet, leur développement est entravé, et dès 17% il est même rendu totalement impossible.

A l'issue de cette première phase de quelques mois d'élevage sous voile, les vins sont à nouveau dégustés et départagés, car la poursuite de l'élevage va différencier deux types différents de Xérès : le « crianza de flor », appelé aussi « vino fino », et l'« oloroso »

Le Xérès « crianza de flor » :

Les vins qui ont le mieux réagi à cette première phase d'élevage sous voile continuent à être élevés de cette manière pendant plusieurs années, en suivant à présent la technique de la « solera ». Cette technique consiste à aligner les tonneaux d'élevage (les « botas de asienta ») sur trois rangées superposées (« criaderas »). Les vins sont embouteillés à partir de la criadera du bas, et toute quantité prélevée dans cette dernière criadera est remplacée par la même quantité prélevée sur la criadera supérieure, ainsi de suite jusqu'à la criadera du haut, qui est alors complétée par la même quantité de vin nouveau. Le voile est ainsi régénéré en permanence par l'apport de vin nouveau, et comme les diverses souches de levures de voile ne se développent pas uniformément d'une bota à l'autre, cette technique permet aussi à chaque transvasement un brassage qui homogénéise le vin. L'âge moyen acquis par le vin embouteillé est donc donné par le rapport du volume total de toutes les botas sur le volume annuel soutiré pour la mise en bouteille.

Les « botas » sont de 600 litres, remplies seulement aux 5/6ème par 500 litres de vin, et le transvasement se fait quatre fois par an, par groupes de 12 à 18 botas.

Tout en ayant un effet oxydant sur son éthanol, paradoxalement le voile apporte également au vin une certaine protection contre l'oxygène. Comme ses levures consomment elles-mêmes de l'oxygène, la proportion de ce dernier diminue d'autant dans la bota, où il est remplacé par du gaz carbonique. Cette protection protège aussi le vin de l'acidité volatile (par asphyxie des bactéries acétiques) et lui permet un vieillissement normal avec une belle couleur jaune pâle.

Au cours de son élevage, le vin opère également sans entrave sa fermentation malolactique, constitutive de sa complexité. C'est toutefois l'oxydation de l'éthanol en éthanal qui confère au Xérès ses principales qualités organoleptiques. Compte tenu de sa réactivité chimique, l'éthanal est en effet un précurseur de nombreux constituants qui participent au bouquet du Xérès, notamment le diéthyl acétal et le sotolon.

Suivant un procédé un peu analogue à celui du « vino fino » de Xérès, la région de Sanlucar de Barrameda produit la « manzanilla ». Chez ce vin, élevé au moins pendant 3 ans mais sans transvasement, le voile finit par disparaître. Le vin est alors soit mis en bouteille, soit élevé encore durant plusieurs années en milieu désormais oxydatif puisque la protection du voile a disparu. En fonction de leur âge, les produits prennent alors le nom de « fino amontillado », « amontillado », amontillado viejo » et « amontillado muy viejo ».

Le Xérès oloroso :

A l'issue de la première phase d'élevage sous voile de quelques mois, les vins non retenus pour une seconde phase d'élevage sous voile pour en faire du vino fino subissent une nouvelle alcoolisation jusqu'à 17,5 % vol qui fait disparaître le voile. Conjuguée à la microperméabilité du fût, l'oxydation par contact avec l'oxygène présent dans le fût que permet l'absence de voile développe des processus oxydatifs qui brunissent le vin et lui apportent les arômes et les saveurs puissantes caractéristiques de ce type de vieillissement.

Les vins de ce type sont élevés soit selon le principe de la solera pour produire des assemblages, soit sans transvasement ni mélange pour produire des vins millésimés appelés « añadas ».

Avant leur mise en bouteilles, le vino fino comme l'oloroso sont clarifiés par collage avec de l'albumine d'œuf ou de la poudre de sang, et éventuellement stabilisés à la bentonite.

Au cours de ce long processus d'élevage sous voile, chez les deux types de vin le risque de déviation bactérienne est constant, obligeant à un contrôle très suivi de chacune des botas, et à la moindre déviation le vin est affecté à la production de « vinaigre de Xérès ».

Les vins jaunes du Jura

Comme les Xérès espagnols, ces vins subissent un vieillissement sous voile, mais l'addition d'alcool n'intervient pas dans leur préparation. Les appellations d'origine du vignoble du vin jaune du Jura sont les suivantes : Château-chalon (AOC), Arbois (AOC) et Arbois-Pupillin, L'étoile (AOC) ainsi que les Côtes-du-Jura. L'appellation « Château-chalon » est une appellation encore plus qualitative à l'intérieur de l'appellation « vin jaune », de sorte qu'un vin déclassé comme « Château-chalon » retombe dans la simple appellation « vin jaune ».

Les vins jaunes sont produits à partir du cépage savagnin. Le raisin est vendangé surmûri (voire atteint de pourriture noble) durant la seconde quinzaine d'octobre, puis son moût est vinifié en vin blanc sec. Le vin de base titre autour de 12% vol. d'alcool. Le vin est vinifié et élevé pendant 6 ans 3 mois en barriques de 228 litres ayant généralement déjà contenu du vin jaune (afin de favoriser l'ensemencement en levures de voile), et sans ouillage.

Traditionnellement, c'était par le seul effet de l'évaporation qu'un creux rempli d'air apparaissait dans le haut de la barrique, à la faveur duquel se formait progressivement à la surface du vin un voile de levures qui oxydait progressivement l'éthanol en éthanal. Mais le risque d'une contamination bactériologique et d'apparition d'acidité volatile restait grand car la génération spontanée du voile était très irrégulière et le faible taux d'alcool du vin jaune n'a pas le même effet protecteur que chez le Xérès.

C'est pour pallier ces inconvénients qu'aujourd'hui un ensemencement en bactéries de voile est souvent pratiqué et qu'un creux est ménagé dès le remplissage du fût, sans attendre qu'il se forme naturellement par évaporation.

Le maintien d'une température basse de 12 à 13 ° C permet également de limiter les déviations bactériennes, même si, dans la pratique, la température de la cave peut varier en fonction des saisons de 5 à 30° C, produisant une succession de voiles différents.

Les vins jaunes du Jura sont caractérisés par leur très forte teneur en éthanal (jusqu'à 700 mg/l) et en sotolon (composé aromatique caractéristique des vins de type rancio), par leur couleur jaune soutenue, et par leurs caractères organoleptiques réductifs extrêmement prononcés (noix, noisette, amande, pain grillé, miel, cannelle, vanille, caramel, pain d'épices, céleri, curry).

Il est embouteillé dans une bouteille spéciale, appelée « clavelin », d'une contenance de 62 cl (particularité due au fait qu'au bout de 6 ans 3 mois, la part des anges a fait perdre au vin jaune 38 cl par litre). Le caractère oxydé du vin jaune lui confère une excellente capacité d'évolution à la garde, jusqu'à plus de 30 ans.

 

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